Maha kumb mela

Publié le par sylvain dommergue

PIN00629.jpg             Descendu du toit du monde, des plus hauts massifs de l'Himalaya, le Gange est le grand fleuve du nord de l'Inde, qui coule sur quelques 2700 kilomètres.  Pour les hindous, c'est surtout la rivière sacrée entre toutes, qu'ils vénèrent et considèrent comme leur mère.                                                                        

    

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La légende raconte que la rivière Gangâ est descendue du ciel. Pour assagir ses flots impétueux et amortir sa chute, le dieu Shiva la reçut dans les boucles de sa chevelure. De sa source himalayenne jusqu'au golfe du Bengale, le Gange suscite une ferveur intense. S'y baigner purifie de toutes les souillures et y accomplir un pèlerinage allège le cycle des réincarnations successives. Après avoir dévalé les montagnes, le Gange rejoint la plaine à Hardwar, à environ 310 mètres d'altitude. Son cours s'y ralentit considérablement.

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Hardwar est la première des grandes villes saintes qui jalonnent le fleuve.
L'agglomération, qui compte à peine quelques centaines de milliers d'habitants, accueille des pèlerins pendant toute l'année. C'est le point de départ des excursions jusqu'aux sources du Gange. Tous les douze ans, la foule se fait beaucoup plus nombreuse. Hardwar célèbre la Kumbha Mela, un des plus importants pèlerinages de l'hindouisme. Lors de cette grande fête, les fidèles affluent par millions. Pour faire face à cet afflux inouï de pèlerins, les habitants de Hardwar sont très organisés. Une caste spéciale de prêtres, appelés "pandas", se charge de leur accueil, leur trouve un logement ou accompli pour eux les rites.
 

Lors de la Kumbha Mela, un véritable arsenal de surveillance est déployé. 

Tours de contrôle pour surveiller l'écoulement de la foule, présence policière accrue, tout une série de mesures sont mises en place, pour éviter des épisodes de panique ou de bousculade collectives. Les dates de la Kumbha Mela sont déterminées par les conjonctions des planètes, qui doivent être favorables. 

La dernière Kumbha Mela s'est déroulée en 1998.En flot ininterrompu, les fidèles circulent par groupes de familles ou de villages, leur balluchon à l'épaule. 

Ils cheminent dans les rues qui bordent les ghâts, construits sur les berges du fleuve. Hardwar doit son caractère sacré à un épisode de l'épopée divine hindoue : le barattage de l'océan de lait. Pour retrouver leur puissance qui commençait à décliner, les dieux, sur les conseils de Vishnu, s'allièrent à leurs ennemis, les anti-dieux, pour faire jaillir de l'océan primordial l'Amrita, un nectar sacré qui pourrait leur rendre l'immortalité. Grâce à un barattage vigoureux de l'océan, à l'aide d'une montagne et d'un serpent, le nectar jaillit et fut recueilli dans une coupe par le médecin des dieux. Mais les anti-dieux dérobèrent la coupe. 

Alors, le dieu Vishnu se déguisa en jeune fille pour détourner leur attention, pendant que le dieu Jayante s'emparait du nectar et s'envolait dans le ciel sous la forme d'un aigle.Poursuivi par les anti-dieux, ce dernier laissa tomber quelques gouttes de la liqueur. L'une d'elles tomba sur Hardwar et c'est cet événement de "l'assemblée de la coupe", que l'on célèbre lors de la Khumba Mela, tous les 12 ans. 

Les pèlerins se purifient dans les eaux du Gange et lui font des offrandes. Ils s'y lavent de toutes les souillures et abrègent ainsi le cycle de leurs réincarnations successives. Pendant la nuit, à l'endroit ou le Gange est censé sortir de la montagne, se déroule l'offrande de feu. Selon la tradition, c'est ici que le fleuve s'est frayé un passage entre les orteils du dieu Vishnu, que l'on invoque ici avec son épouse Lakshmi, déesse de la beauté et de la richesse. 

Aux abords des ghâts, les fidèles trouvent dans les boutiques tout le matériel nécessaire au culte : les pots de cuivre pour ramener chez soi de l'eau sacrée, de 

l'huile parfumée pour s'enduire le corps, de la poudre de vermillon et du bois de santal pour dessiner le tilak, la marque sur le front, ou encore les guirlandes de fleurs et les représentations divines. Pour accueillir les millions de visiteurs de la Kumbha Mela, les autorités ont bâti une véritable ville de toile. L'intendance doit y être assurée de manière rigoureuse : transport, sécurité, hygiène, nourriture, santé...Pendant plusieurs jours, les tentes et les berges du fleuve sont mises sous étroite surveillance. En 1954, des paniques collectives avaient dégénéré en de graves bousculades et entraîné la mort de plusieurs pèlerins. Des tentes sont réservées aux discours et aux représentations théâtrales. On ne vient pas seulement ici pour les bains rituels, mais aussi pour entendre des prêches et surtout assister à la représentation sur scènes des différentes épopées divines hindoues. Elles sont récitées et chantées et durent plusieurs heures. 

Dans un mouvement perpétuel et le plus grand mélange sonore, les pèlerins, qui forment une procession sans fin, défilent, de ghat en ghat, et portent les images des divinités.Sur les collines qui encerclent le bassin de Hardwar, se dressent plusieurs temples. Pour atteindre celui de Chandi Devi, il faut parcourir 4 kilomètres, avant de grimper jusqu'au sanctuaire. 

Grâce aux pèlerinages, l'homme peut espérer de meilleures réincarnations, car la somme des actions bonnes ou mauvaises d'une vie détermine les conditions de la renaissance. Le "dharma", la loi morale et religieuse hindoue, préconise d'observer son devoir de caste et d'honorer les dieux.L'observation scrupuleuse des rituels permet d'atteindre la délivrance. 

Sur une autre colline, les pèlerins vont visiter le temple de Maksha Mahadevi. 

Ici aussi, la tradition situe un épisode légendaire. 

La femme du dieu Shiva, Parvati, appelée aussi Sati, s'immola par le feu en raison de l'affront fait par son père à son mari. La vie ascétique de Shiva, qui allait toujours couvert de cendre, déplaisait à son beau-père qui négligea un jour de l'inviter. 

Offrandes de cheveux, prière, baignade, chacun ici s'affaire à obtenir le salut. 

Selon la divinité de laquelle chacun se réclame, des groupes se forment, shivaïtes ou plutôt visnouites, avec des rituels spécifiques. 

De tous les pèlerins, les plus impressionnants sont les milliers de sadhus, souvent nus et recouverts de cendre, qui rejoignent la Kumbha Mela. 

Ces ascètes omniprésents descendent souvent des massifs de l'Himalaya où ils vivent en ermites. Les dessins de poudre rituels sur les visages peuvent indiquer de quelle secte hindouiste se réclament ceux qui les portent. Ainsi, le trident frontal est la marque des dévots de Vishnu. L'offrande du feu est une célébration mystique. Un mariage des flammes et de l'eau. Les prêtres décrivent dans l'espace la forme symbolique d'un lotus. Ils rapprochent le feu de l'eau par trois fois, puis ils présentent les flammes aux pèlerins qui tendent leurs paumes vers elles.. 

Les dévots confient aux fleuves de petites barques recouvertes d'offrandes où brille la lumière sacrée. 

Lorsque la lune fait place au soleil, les flammes s'éteignent, mais pas le concert des prières. Hardwar ressemble alors à une barque immergée, ployant sous le poids de la foule et prête à couler. 

Gestes immuables et répétition des ablutions. 

L'eau, recueillie au creux de la main glisse sur les corps, rejoint le fleuve, pour être prélevée à nouveau, dans un cycle purificateur éternel. 

Immersion et flottement, retour à Ganga la mère, que l'on invoque en murmurant "Jaï Gangâ Mâiki" : "Gloire à notre mère Ganga". 

Moment religieux intense, la Kumbha Mela fait l'objet de véritables transactions. 

Les différents groupes religieux, et en particulier les ascètes, se disputent souvent l'ordre de préséance dans les défilés et l'entrée dans l'eau. Il faut dire que l'événement est relayé dans tout le pays par les médias. 

Des accords entre organisations religieuses et gouvernement ont même été signés afin d'éviter la pagaille. 

Dépouillés comme au jour de leur naissance, les sadhus vont ensemble et forment un cortège qui se mêle peu à la foule.

Amassée derrière les grillages, les pèlerins les regardent passer et se frayer un chemin dans la voix étroite d'accès au Gange. 

Les rives du fleuve, qui ne dépassent pas les 300 mètres ne suffisent pas à accueillir tous les fidèles. 

La précipitation des sadhus à se baigner tient sans doute à la rareté de la Kumbha Mela : une fois tous les douze ans seulement. Douze années humaines, l'équivalent des douze jours à l'échelle divine que dura le combat entre les dieux et les anti-dieux. Les ablutions n'en ont que plus de valeur sur le chemin de la délivrance. 

La Kumbha Mela de 1998 fut la dernière du siècle et même du millénaire.

La prochaine se déroulera en 2010, lorsque les planètes se montreront en conjonction favorable dans leur course céleste.

 

Publié dans Fêtes et Rituels

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