L'art de la céramique

Publié le par sylvain dommergue

Dans la somptueuse cité de Shiraz, la citadelle de Karim Xhan e Zand, les grands maîtres de la céramique iranienne exercent toujours leur art. L'art de la céramique en Iran, reflète le goût délirant, presque enivrant, du raffinement ornemental.

A Req et à Kaschan, les premiers maîtres iraniens de la céramique ont commencé leurs chefs d'œuvres. Vers la fin du douzième siècle, une nouvelle technique se développe qui permet d'obtenir des céramiques de plusieurs coloris par le passage successif des enduits au four à des températures variées. Ainsi naquit la technique dite des sept couleurs ou Haft Rang. Selon l'ancienne méthode, le maître devait créer une mosaïque d'après un plan savamment élaboré qui était reproduit sur une surface de plâtre avant d'être recouvert d'une couche de couleur. L'opération devait se répéter plusieurs fois avant l'obtention d'un panneau complet. Avec la nouvelle technique, le motif est peint directement sur le carreau avant le passage au four. Ensuite, les carreaux sont assemblés. Grâce à cette technique, de nouvelles couleurs furent choisies. Le bleu fut complété par le rouge, l'orange, le jaune or, la turquoise, le vert et le brun. La décoration sur l'émail des maîtres d'Ispahan ne diffère guère. Elle est faite directement à la main par l'artiste mais elle procède des mêmes techniques et du même travail de préparation pour finaliser l'œuvre.

De nos jours, la tradition se perpétue dans les petits ateliers où les apprentis s'initient à leur futur métier par le biais de la poterie. Les mêmes techniques sont employées et les différents stades de fabrication s'inspirent des vieux maîtres. Les moules sont remplis d'une terre liquide en provenance de la région de Semman avant d'être passés au four à une température d'environ mille degrés. Commence alors l'opération de démoulage, puis de polissage pour enlever toutes les aspérités. Les vases sont ensuite traités dans un bain spécial qui assure leur brillance, puis ils sont recuis. La décoration peut alors commencer. Elle est réalisée par de toutes jeunes apprenties qui viennent des différents conservatoires de peinture de la ville.

Les maîtres d'Ispahan sont renommés pour la fabrication des céramiques dites de Lajvardina, du nom de la couleur bleu foncé du fond mais qui peut aussi être turquoise. Profitant de la possibilité d'utiliser plusieurs couleurs, les maîtres Espahanis décorèrent la vaisselle ou les vases de scènes complexes parfois inspirés du livre des Rois ou figurant des scènes de batailles. Ils réalisent également des vases ou d'autres objets ayant la forme de sculpture d'animaux ou d'êtres humains.

L'essor de la faïence architecturale se fonde sur une très ancienne tradition. La ville de Kachan était à l'origine spécialisée dans la production de faïence bleue qui contenaient du cobalt, du soufre et de l'arsenic. Kachan gardait jalousement ses secrets de fabrication et c'est du nom de la ville que seront baptisés les carreaux qu'on connaîtra à jamais sous le nom de Kachi qui est dérivé du mot Kachani. Cette faïence architecturale perpétuée par les vieux maîtres va connaître un engouement considérable et sera reproduite par tous les ateliers iraniens.

Le répertoire décoratif se compose de lettres, de fleurs et de ramures rigoureusement ordonnées suivant une distribution géométrique en arabesques qui couvre de manière égale les surfaces. Les sources de ces merveilles ornementales remontent souvent aux motifs byzantins et sassanides. Il existe heureusement encore à Shiraz de petits ateliers où les vieux maîtres perpétuent la tradition. Ils ont bénéficié de l'émergence du pouvoir religieux en Iran qui a réactivé tous les travaux de rénovation des mosquées dans le pays. A l'aide d'un calque, l'artisan trou le plan de son futur travail dont il souligne ensuite les contours. Chaque dessin ainsi matérialisé, il restera simplement à lui appliquer les différentes couleurs choisies. Le travail est parachevé par un assistant sous la surveillance du maître. Les couleurs utilisées sont souvent naturelles et proviennent d'extraits de plantes ou de fruits soigneusement sélectionnés par les responsables des ateliers : écorces de noix, pelures d'oignon, de saule, de grenade. Curieusement, les mêmes extraits de plantes ou de fruits utilisés dans la coloration de la céramique se retrouvent dans la teinte des laines utilisées dans le tissage des tapis. L'extrême précision  et la délicatesse des œuvres  réalisées par les Shirazis en font les maîtres incontestés de la céramique iranienne. Quels que soient les dessins réalisés, tous ces maîtres s'inspirent de la même composition où  personnages, animaux et végétaux deviennent spirales, cercles et arabesques. Un immense four accueille ensuite les différents carreaux réalisés pour un temps de cuisson d'environ deux heures. L'assemblage et le collage seront exécutés immédiatement après la sortie du four.

Crées d'après un plan hypostyle, c'est à dire une construction avec un toit soutenu par des colonnes, les mosquées comprennent en général une cour centrale et un mur de Qebla qui indique la direction de la Mecque. Des réseaux de stalactites tapissent l'entrée de la mosquée. Les alvéoles ne revêtent aucun caractère structurel et se bornent seulement à donner un rythme décoratif somptueux. La technique de construction des ensembles décoratifs témoigne du savoir-faire des maîtres de Shiraz. Le maître construit tout d'abord un gabarit qui reproduit très fidèlement le motif à réaliser. Chaque élément est soigneusement taillé, biseauté d'après les modèles conçus et dessinés par le maître artisan. Une fois le motif terminé, chaque élément est collé sur la maquette qui servira de modèle au maître constructeur. Pour le revêtement des dômes, de petites briques rectangulaires préalablement peintes et cuites sont utilisées. Le maître constructeur calibre les briques qui vont lui servir à composer son motif décoratif. Une fois terminé, un assistant les polira pour leur donner l'éclat souhaité.

Depuis trente sept ans et encore aujourd'hui à l'âge de soixante six ans, ce maître constructeur escalade quatre fois par jour les échafaudages qui entourent le dôme. Brique par brique, il couvre le dôme d'éléments multicolores et perpétue la renommée de Shiraz, joyau posée dans le désert, témoignage de génération d'artisans de génie, dont le savoir-faire risque de se perdre dans les années à venir si les commandes se raréfient.

Publié dans Art et Artisanat

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